Les mille et une façons de faire de la friperie

Intérieur branché | Friperie Boutique Kilo Shop Marseille
Publié le 21 février 2023

Les mille et une façons de faire de la friperie

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Dans la région, la seconde-main se développe en adaptant son modèle économique. On trie une tonne de vêtements par jour”, révèle Nicolas Salvo, un des responsables de l’entreprise Le Stock vintage. À Saint-Mitre-les-Remparts, dans son entrepôt de 1 000 m2, des balles de 500 kg d’habits chacune, provenant des Etats-Unis, d’Italie, attendent d’être ouvertes. “On range par famille, par qualité. On met de côté le vintage”, explique l’employé. Les sacs et frusques de bonne tenue sont mis dans la pièce du bas. À l’étage, on trouvera des fringues, qui peuvent être tachées, trouées, certains fripiers préfèrent”, expose le grossiste, avant d’ajouter que ce qui se vend bien, en ce moment, c’est “le jean, la marque dickies, les carreaux, le sweat, les vêtements unisexes. Le panier moyen s’élève à 500 €. On ne descend pas en dessous.” Ce qui n’est pas mis en boutique est placé en sacs, de maximum 25 kg, ou sur des palettes pour les clients qui ne sont pas dans la région. Il faut savoir qu’ici, on ne vend qu’aux professionnels, qui se tirent, d’ailleurs “la bourre” entre eux. “J’en ai vu certains se piquer des pièces”, s’étonne encore Nicolas Salvo. Il faut dire que les grossistes en vintage ne sont pas nombreux dans la région.

L’achat en gros ou en se-mi-gros est pourtant la norme pour les fripiers. C’est auprès d’une usine de tri et de recyclage, que Djamila Jaid, propriétaire de Machin Machine, boutique située dans le 6° à Mar-seille, s’approvisionne. Elle considère que le gros ou le semi-gros, permet d’avoir des prix intéressants. “On élimine le travail de sélection pièce par pièce et les déplacements. C’est pour ça qu’on peut se permettre des prix plus bas*, assure-t-elle. Cette ancienne DRH à Paris a ouvert son échoppe, pour être en accord avec “ses valeurs, ma sensibilité par rapport au recyclage”, il y a bientôt trois ans.

De son côté, Marion De Leseleuc cofondatrice de Cosmo vintage valorise le circuit court, la chine ” en vide-greniers, fripes sociales et autres friperies.” Installée à Aix-en-Provence depuis 2014, elle a constaté une augmentation du nombre de ses concurrents. “En 2015, il ne restait que Blow-up et des dé-pôts-ventes. Maintenant, il , s’ouvre une à deux friperies par an.” Cela ne l’empêche pas d’avoir un chiffre d’affaires qui s’est accru – à part durant l’année du Covid – de 30 % chaque année. ” En 2010, dans la boutique que j’avais en Espagne, les clients venaient pour des pièces originales. Aujourd’hui, 70 % des acheteurs viennent pour le côté écologique”, livre-t-elle. Elle décrit également sa boutique comme un commerce de proximité, loin d’un Kiloshop “très standardisé, où on a le même type de merchandising. Les clients viennent prendre le thé.

Après, même si je privilégie la boutique, j’ai un compte Vinted depuis un an et un compte Etsy. Si on n’a pas de visibilité en ligne, on se ferme des portes”, affirme Marion De Leseleuc. Le virage du numérique, Sa-lim Abouz, propriétaire de Bad ass vintage store, et de Bad ass showroom, à Avignon, l’a pris.

“J’ai un compte Instagram où l’ai 3 525 abonnés. On va faire un compte Tik Tok. Ca nous sert à rester en contact avec le client, présenter nos nouveautés, à prendre des réservations”, ex-pose-t-il. Pour rester attractif, il suit de près la mode, propose des habits des années 2000. On fait beaucoup d’upcycling. On crée de nouvelles pièces avec des nappes, des rideaux. J’ai aussi des bijoux neufs, des créateurs laissent des habits, accessoires en dépôts.” Sa stratégie lui assure une clientèle jeune, de 18 à 25 ans, amatrice de mode. Depuis quand le marché de la fripe est-il aussi florissant ? “De-puis Vinted. On a vu, avec eux, une démocratisation de la seconde main. Avant, on l’associait à un hangar, avec des odeurs” s’exclame Isabelle Robert, maître de conférences à IAE Lille Université et cofondatrice de Tex & Care, chaire de la mode circulaire. Benjamin Augros, Marseillais et cofondateur de Prêt à changer, se souvient de l’arrivée de la compagnie lituanienne sur le marché. Il raconte qu'” en 2010, Prêt à changer était une plateforme d’échange, comme Vinted, et on était la première en France. Quand Vinted s’est implantée en 2013, avec son associé, Alexandre Trivella, ils ont dû s’adapter. Ils se sont concentrés sur “le haut de gamme. On faisait une expertise et on rachetait cash. On a fini par vendre en 2019.” Les repreneurs ont choisi de garder le site

“et d’ouvrir des corner-shop dans des supermarchés. Notre idée c’est d’amener la fripe au plus près des gens”, détaille la prési-dente, Sophie Mouillard, en révélant que le “marché reste très trusté par Vinted d’un côté et Ebay de l’autre.” Ce dernier a d’ailleurs racheté Videdressing, un autre rival. Le site fermera le 1° juillet. Les friperies solidaires sont également affectées. “La quantité des dons ne baisse pas, mais les gens vendent ce qu’ils ont de bonne qualité et nous donne le reste”, certifie la responsable de

d’Emmaüs Pointe-Rouge à Marseille. Isabelle Robert l’appuie en disant qu'” il y a une prise de conscience de la valeur des gisements de vêtements que l’on a chez nous.”

Margot FOURNIÉ

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